Hu/Mains

Hu/Mains est un travail de commande réalisé dans le cadre de l'appel à projet pour le patrimoine immatériel des métiers de l'horlogerie et des savoir-faire en mécanique d'art. Transmissions. L’immatériel photographié est une exposition conçue en collaboration avec le Musée international d'horlogerie de la Chaux-de-Fonds et le musée du Temps de Besançon, de manière transfrontalière, comme un seul et même projet.

Transmission, l'immatériel photographié

Hu/Mains 

L’outil sans la main n’est rien. Il faut de l’humain pour que le geste prolonge la pensée et modèle la matière. Il faut l’intention pour que l’idée s’incarne dans une forme durable. Mais l’objet manufacturé, aussi stable soit-il, ne porte qu’un fragment de la mémoire du geste. Il n’est qu’une trace. Où manquent le verbe et le lexique, où font défaut l’apprentissage et la transmission, gagne l’oubli. Capter par l’art photographique la beauté du geste qui condense un savoir-faire singulier et inscrit dans le temps, tel est l’enjeu premier de Hu/Mains.

Car là où la machine répète, l’artisan développe. Aussi un savoir-faire a-t-il une dimension esthétique que peut révéler l’image en fixant un mouvement, une lumière, une atmosphère. Le jeu des profondeurs ou des flous conduit le regard vers cette qualité indépassable de l’oeuvre en train de naître, de l’ouvrage en chantier, de la chaîne des talents qui nourrissent un patrimoine, ici horloger. La tradition, la permanence, le partage s’incarnent alors dans le savoir-être de celles et ceux qui actionnent les outils.  

Les portraits soulignent le rôle capital de chaque individualité. Un savoir-dire, moment de transmission, peut d’ailleurs se lire dans un regard, un sourire, une moue. 

Ici se rejoignent plusieurs nécessités : condenser dans un média des éléments de natures diverses, aussi solidaires qu’hétérogènes, aussi insaisissables qu’essentiels. L’habilité 

se fonde dans l’architecture, la passion dans les exigences du marché, la tradition dans l’innovation, la pratique dans l’excellence. 

Le choix du gros plan magnifie la précision. La diversité des matières fait contraste avec 

les peaux. La lumière naturelle qui se tisse avec les luminaires électriques rappelle le passage des saisons. On imagine le croisement de la patience et du bruit, le frottement de l’ongle sur l’aluminium, le chuintement du sarrau contre l’établi. En arrière-plan, parfois, le bourdonnement des machines, le bruissement de paroles échangées, une radio pour contrer la solitude de l’artisan.  Guillochage, rhodiage, décolletage, ingénierie, émaillage et tant d’autres arts inscrits dans la durée sont au coeur de cette investigation à laquelle il est possible d’ajouter la parole retranscrite de celles et ceux qui manient les outils. 

Hu/Mains, comme projet photographique ancré dans la réalité, aspire ainsi à valoriser un territoire tout autant géographique qu’imaginaire au sens d’indicible. 

De la Franche-Comté aux Montagnes neuchâteloises, de la manufacture industrielle aux ateliers d’artisans, des restaurateurs aux développeurs, un protocole identique conduit la prise d’images. Toujours la main et l’humain sont-ils au centre de la démarche afin de focaliser l’attention simultanément sur le visible - binoculaire, pigments, brucelles, échappements, poinçons… - comme sur l’invisible - une identité partagée.

Thomas Sandoz